Ce vendredi 19 juillet, Monaco-Matin a publié un article faisant le point sur les négociations en cours à propos de l’éventuel traité avec l’Union Européenne. Après avoir donné la parole à Gilles Tonelli, Conseiller de Gouvernement-Ministre des relations extérieures et rappelé la teneur des trente réunions organisées avec le Conseil National, le quotidien a interviewé le Président.
L’article complet est à retrouver sur le site du journal : https://www.monacomatin.mc/…/accord-avec-l-europe-monaco-n-…
Monaco Matin : Quel est votre état d’esprit au sortir de cette commission plénière ?
Stéphane Valeri : Cette commission plénière s’est réunie après mon intervention en séance publique, le 12 juin dernier, car la position du gouvernement n’était pas claire sur la possibilité de signer un accord intermédiaire en juin. J’ai demandé cette réunion pour lever cette ambiguïté. Nous étions très inquiets, et ce n’était pas un fantasme des élus. Dans un communiqué officiel évoquant en février dernier la visite du Souverain à Jean-Claude Juncker à Bruxelles, il était écrit que la volonté du président Juncker était de signer un accord rapidement. Nous ne voulions pas être mis devant le fait accompli si des concessions inacceptables à nos yeux avaient été faites. Et globalement, nous avons été satisfaits des échanges. Cette ambiguïté majeure a été levée, le gouvernement a été clair : pas d’accord intermédiaire. C’est ce que nous souhaitions. Pour nous, ou nous sommes d’accord sur tout avec l’UE, ou nous ne sommes d’accord sur rien. Entre les deux, il n’y a rien de possible. On ne peut pas avoir un accord intermédiaire, car il suffirait qu’ultérieurement une des lignes rouges soit franchie pour qu’il n’y ait pas d’accord final.
MM : Vos lignes rouges n’ont pas bougé sur la question ?
S.V. : Non, car ce qui est en jeu dans cet accord, c’est le maintien de la priorité nationale pour les Monégasques dans tous les domaines : l’emploi, le logement, de nombreuses aides sociales. Le maintien de l’autorisation préalable pour l’installation des personnes et pour la création d’entreprises sur notre sol. Le maintien de l’accès exclusif des Monégasques à certaines professions réglementées. Un accord pourrait bouleverser le modèle économique et social de notre pays.
MM : Vous avez fait campagne sur les craintes d’un accord avec l’Union européenne. Pensez-vous que Monaco puisse se passer d’un accord ?
S.V. : Je dirais que nous avons entendu les craintes d’une très grande majorité de l’opinion publique pendant la campagne. Et nous avons été élus pour être prudents, vigilants et pragmatiques sur cet éventuel traité, ce que l’on s’efforce d’être. Aujourd’hui, il n’y a pas d’accord, le pays fonctionne et notre modèle économique est une grande réussite. Nous avons le plein-emploi, pas de dette publique, un modèle social exemplaire. Ça prouve que sans traité, Monaco va très bien et nous pourrions continuer à nous passer d’un traité.
MM : Et dans le futur ?
S.V. : Quand on regarde aujourd’hui l’évolution incertaine de la construction européenne, personne ne connaît le futur. Qui prévoyait le Brexit en 2015, quand nous avons démarré les négociations ? Personne. Soyons modestes, personne ne peut prédire l’avenir. Mais nous pensons que l’intelligence consistera à savoir s’adapter, si dans plusieurs décennies ce traité devenait vital. A ce stade, il n’est pas sûr que nous arrivions à un accord, les quatre libertés de l’Europe sont difficilement conciliables avec la priorité nationale. Et si on n’y arrive pas, on s’adaptera et je crois que Monaco continuera sa réussite actuelle. Ceux qui disent que nous n’avons pas d’autre choix que de signer un traité, se trompent et affaiblissent la position des négociateurs monégasques. C’est le cas du représentant de Monaco 2040 qui fait une analyse très personnelle, bien éloignée des réalités monégasques. Il évoque un texte commun Monaco-UE intermédiaire, alors qu’il n’y a rien ! Cette énorme contre-vérité suffit à elle seule à discréditer l’ensemble de ses propos.
MM : Le fait qu’il n’y ait pas d’accord actuellement avec l’Union européenne complique les activités de certaines professions. Entendez-vous ces problèmes et quelles solutions préconisez-vous ?
S.V. : Aujourd’hui, seulement quelques rares secteurs de production, essentiellement l’industrie pharmaceutique et l’alimentaire, sont impactés et ont des difficultés juridiques à exporter vers l’Union européenne. Ces secteurs ne représentent qu’environ 2 % des recettes de TVA et de l’ISB. De plus, les entreprises ont trouvé des solutions pratiques pour continuer à exporter, notamment en ouvrant des bureaux dans l’Union européenne ou en passant par des importateurs.
Mais, je dois dire aussi que nous avons reçu au Conseil national, début juillet, les représentants du comité monégasque des professions réglementées. Et ces professionnels nous ont fait part de leur inquiétude face à un éventuel accord qui pourrait ouvrir à l’avenir, à des ressortissants européens, l’accès à des professions réglementées réservées aux nationaux. Si par exemple de grands cabinets d’avocats ou d’architectes venaient à être autorisés à s’installer en Principauté, comment nos enfants pourraient continuer à vivre de ces professions en Principauté ? C’est très inquiétant.
MM : Les négociations doivent reprendre à Bruxelles. Souhaitez-vous que des représentants du Conseil national soient pleinement associés pour être informés des processus ?
S.V. : Franchement, nous sommes satisfaits du rythme et du niveau actuel d’information de la part du gouvernement, toutes les sept semaines, après chaque round de négociation avec un groupe restreint d’élus. Ça se passe bien et nous souhaitons continuer ainsi. Et je pense qu’avoir un Conseil national très vigilant sur la défense des intérêts de Monaco, c’est un atout formidable pour les négociateurs qui peuvent se servir de la position ferme des élus pour négocier à Bruxelles et obtenir davantage, car au final, l’éventuelle ratification d’un accord devra être autorisée par le Conseil national.
MM : Certains points de vue du Conseil national ont pu infuser auprès des négociateurs ?
S.V. : Nous avons accepté, à la demande de M. Tonelli et pour des raisons stratégiques, que ces discussions demeurent confidentielles. Mais oui, sur des points importants, l’expression de la position du Conseil national a été prise en compte par les négociateurs monégasques. Un jour, quand tout sera fini, on pourra tout dire…